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Novembre

2024








FAB 2024, Hommage à Henri Martin (1860-1943)

Henri Martin à Marquayrol : le peintre en son jardin

À l’occasion de sa prochaine participation à FAB (Fine Arts Paris La Biennale), qui se tiendra au Grand Palais du 22 au 27 novembre 2024, la galerie consacrera une partie de son stand à l’oeuvre d’Henri Martin. Plusieurs toiles du peintre seront ainsi présentées, dans une scénographie qui intègrera des objets personnels ayant appartenu à Henri Martin, notamment un bureau de travail, dessiné par son ami Henri Bellery-Desfontaines, qui était conservé jusqu’alors par la famille de l’artiste.

En 1899, Henri Martin fait l’acquisition d’un grand domaine de près de 30 hectares dans le Lot, à Labastide-du-Vert. L’atelier qu’il a fait construire sur la colline et qui ouvre sur la vallée du Vert, ménage de spectaculaires points de vue. Les abords de la maison sont également conçus comme de petits théâtres. La lumière, tantôt dorée à l’automne, plus vive au printemps, la neige parfois, viennent habiller ces décors : les pergolas et la vigne, les trois bassins, le portail, la terrasse, la trouée vers le jardin depuis la maison, deviennent ainsi des motifs récurrents dans l’oeuvre du peintre, des fragments choisis qui lui donnent l’occasion d’exercer sa palette et ses pinceaux. À Marquayrol, Henri Martin semble avoir trouvé tout le nécessaire et à compter de 1923, il ne quitte plus tellement cette demeure où il ne passait jusqu’alors qu’une partie de l’année, du printemps à l’automne. Comme Monet à Giverny, comme son ami Le Sidaner à Gerberoy, Henri Martin va concevoir en son domaine un inépuisable champ d’intérêt pictural, auquel il s’attachera jusqu’à la fin de ses jours.

La place de ces jardins dans l’oeuvre du peintre est telle qu’un nombre très important de tableaux dans sa production y est consacré, variations dans lesquelles la lumière papillote légère sur les feuillages ou s’épanche sur la vigne rousse, qui meurt pour la saison. 
Autour du bassin en demi-lune qui fait face à la maison, la margelle ponctuée de pots de géraniums, qui font comme autant d’ornements rouges et rose à la boutonnière d’un habit d’une verdure exubérante, accueille aussi, sur son piédestal, la sculpture d’un Enfant à l’oie, réplique romaine d’une statue grecque dont la reproduction était en vogue au XIXème siècle, au point d’avoir été choisie pour venir orner les abords du bassin de Marquayrol.

Aujourd’hui, plus de quatre-vingts ans après la mort de l’artiste, les jardins d’Henri Martin reprennent vie grâce à des passionnés fédérés autour des nouveaux propriétaires du domaine. Longtemps retournés à l’état sauvage, les massifs colorés du peintre ressuscitent à l’identique ou presque grâce… aux tableaux! D’éphémères modèles, les floraisons, une fois peintes, ont accédé à l’immortalité et peuvent à leur tour redonner vie aux décors imaginés par Henri Martin. 

Un exceptionnel bureau dessiné par Henri Bellery-Desfontaines

Le nom même d’Henri Bellery-Desfontaines sonne comme les lignes florales et sinueuses de l’Art Nouveau auxquelles il a prêté sa plume, tantôt illustrateur, peintre, décorateur, ensemblier. 
Disparu accidentellement dans la force de l’âge, il n’avait pris aucune des dispositions auxquelles songent les artistes dans leur maturité en vue de poser une empreinte sur la trame des générations futures. 

Formé auprès de Jean-Paul Laurens, c’est avec quelques années de décalage avec Henri Martin qu’il fréquente l’atelier du maître. Malgré cet écart, les deux artistes deviennent des amis, ce qui n’est pas peu dire pour Henri Martin, qui croit à l’amitié avec la force d’une vertu cardinale.

Cette complicité se nourrit cela va sans dire d’émulation artistique et les deux Henri se portraiturent l’un l’autre. Bellery-Desfontaines peint ainsi son ainé la palette à la main, devant deux tableaux aux traits symbolistes qu’il vient d’achever, dans une grande toile conservée par le musée Henri Martin de Cahors. Henri Martin, quant à lui, consacre à son ami de petits portraits, qui sont la plupart du temps des études préalables (comme c’est souvent le cas chez l’artiste) à de grands décors. Un Bellery-Desfontaines, grandeur nature, arpente ainsi pour toujours, attentif aux leçons de son maître Laurens, les bords de la Garonne, dans un panneau du grand décor du Capitole de Toulouse (Les rêveurs). Il le représente aussi dans la commande qu’il exécute pour la Sorbonne. 

La collaboration entre les deux artistes se poursuit au-delà du champ pictural. En effet, Bellery-Desfontaines n’exerce pas uniquement ses talents en tant que peintre puisque dès 1898, il expose pour la première fois des pièces de mobilier au Salon des Artistes français. 
C’est ensuite un ensemble complet, un salon, commandé par son ami le Docteur Tissier, qui est présenté à l’Exposition Universelle de 1900.
Pour son ami Henri Martin, Bellery-Desfontaines imagine des cadres à la fois sobres et majestueux, architecturés comme des temples, où fleurissent les bribes du modern style en vogue, dans des ornements sculptés remarquablement assortis aux motifs des tableaux. En 1908, toujours pour son ami peintre, il dessine un bureau. Ce dernier a toujours été conservé dans la famille de l’artiste depuis lors. 

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Le promeneur solitaire, étude pour le grand décor du Conseil d’Etat

De hautes futaies s’invitent dans la salle de l’Assemblée générale du Conseil d’Etat. Elles président à l’ouverture de la séance, dans un programme décoratif d’Henri Martin qui alterne sur les murs représentation du travail manuel et figuration du travail intellectuel.
La France agricole, ouvrière, ouverte aux échanges maritimes, se présente ainsi au Conseil qui a la lourde tâche de juger ses lois. Répondant inversement au foisonnement de couleurs et de personnages, à la vie intense qui se dégage des compositions inspirées par les travaux de force (l’Agriculture, le Commerce et les Travaux Publics), le personnage à la longue barbe blanche qui incarne le travail intellectuel chemine tête baissée dans un sous-bois automnal. 
Avec lui est venu le temps du silence, de la quiétude indispensable à la création intellectuelle, du recueillement. Le travail intellectuel est ainsi envisagé comme une voie sacerdotale.

Cette forêt est une réminiscence de la période symboliste d’Henri Martin, l’ancrage des légendes et des poèmes qui ont longtemps habité ses pensées. La forêt immuable, séculaire, recluse, est un lieu de mémoire. Elle prend ici les tonalités de l’intériorité qui conduit les pas du personnage auprès de ces troncs solides et droits, qui s’élèvent vers les cieux comme des sentinelles de la raison. Viennot, un ami d’Henri Martin qui travaillait à la Bibliothèque Nationale, sert de modèle à cette silhouette à l’aura mystérieuse. 

Une lourde responsabilité pèse sur ses épaules d’expérience. Imperméable aux sollicitations de l’extérieur, il semble en revanche, tout en cheminant solitaire, s’imprégner de la sagesse des arbres, prendre conseil auprès d’eux comme auprès de son livre, en une singulière communion. Dans la version finale du grand décor, les mains du personnage sont croisées dans son dos autour de son livre, renforçant le sentiment d’introspection de la composition.